Depuis quelques semaines, les rues espagnoles résonnent d’un bruit inhabituel : celui des casseroles et des klaxons. Ce ne sont pas les habituels coups de klaxon d’automobilistes pressés, mais bien une nouvelle forme de contestation qui prend de l’ampleur. En plein cœur de la crise sanitaire, la colère monte dans le pays, portée par une partie de la population qui s’oppose fermement au gouvernement en place. Explications sur un phénomène qui ne cesse de croître.
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Un bruit de casseroles… mais pas seulement
La protestation par casseroladas a fait son grand retour en Espagne, un symbole qui remonte à des décennies mais qui garde toute sa puissance. Le principe est simple : on frappe des casseroles pour faire du bruit, beaucoup de bruit. Ce geste a une signification historique, notamment en Amérique latine où il était utilisé pour montrer le mécontentement des populations face aux crises alimentaires et à l’instabilité politique.
En Espagne, la contestation actuelle trouve son origine dans une frustration face à la gestion de la crise du Covid-19 par le gouvernement. VOX, un parti de droite actif, a été l’un des principaux moteurs de cette mobilisation. Le mouvement a débuté par des protestations sur les balcons, avant de rapidement descendre dans la rue, amplifié par des manifestations en voiture.
Des manifestations en voiture pour perturber le quotidien
Le 23 mai a marqué un tournant dans cette contestation. Ce jour-là, des manifestations en voiture ont eu lieu dans toute l’Espagne, perturbant fortement la circulation dans plusieurs grandes villes. Pourquoi en voiture ? Parce que cela permet de respecter les mesures sanitaires tout en amplifiant la portée du message grâce aux klaxons. Des cortèges de véhicules ont envahi les rues, arborant des drapeaux espagnols et réclamant un changement politique face à une gestion de crise jugée inadaptée.
Ce type de protestation a pris une ampleur inattendue, mobilisant des citoyens de tous horizons. Initialement perçue comme un mouvement issu des quartiers aisés, la grogne s’est étendue à des régions et quartiers plus populaires, révélant une fracture sociale de plus en plus marquée.
Un affrontement politique en pleine rue
Ce qui est intéressant dans cette mobilisation, c’est la polarisation politique qu’elle provoque. Alors que les manifestants contre le gouvernement sont souvent issus de la droite, brandissant des symboles patriotiques, ils se retrouvent parfois face à des groupuscules d’extrême gauche. Des confrontations ont eu lieu, opposant deux visions de l’Espagne. D’un côté, des manifestants dénonçant une mauvaise gestion de la crise sanitaire et économique ; de l’autre, des soutiens du gouvernement, parfois anarchistes, qui défendent un système en place malgré des divergences idéologiques apparentes.
Cette situation donne lieu à des scènes étonnantes où des manifestants s’affrontent non plus sur des questions de politique traditionnelle, mais autour de la gestion d’une crise qui touche toute la société.
Une colère qui dépasse les clivages politiques
Fait nouveau, des groupes de gauche dissidents ont rejoint la contestation, élargissant encore l’éventail des mécontents. Ce qui a commencé comme une protestation contre la gestion du Covid-19 prend désormais une tournure plus large. Des revendications économiques et sociales s’ajoutent à la colère initiale, et des casseroladas apparaissent même dans des quartiers habituellement éloignés des mouvements de droite.
L’ironie de la situation, c’est que la gauche espagnole, qui s’était mobilisée avec vigueur en 2014 lors de la crise d’Ebola (notamment après la mort d’un chien potentiellement contaminé), reste étonnamment silencieuse face aux près de 30 000 morts dues au Covid-19. Une inaction qui, selon certains, fragilise profondément sa crédibilité.
Une Espagne divisée
Les casseroles et les klaxons ne sont pas seulement un symbole de mécontentement, ils révèlent une fracture sociale et politique profonde en Espagne. Alors que le gouvernement tente de maintenir un cap difficile en pleine crise, la rue continue de se faire entendre. Cette contestation pourrait bien être le reflet d’un malaise plus global, où les citoyens, qu’ils soient de droite ou de gauche, réclament une gestion plus juste et plus efficace des crises qui secouent leur pays.
La question reste ouverte : jusqu’où iront ces manifestations et quelles seront leurs répercussions sur l’avenir politique espagnol ?